Sites pornos : les « Beurettes », un fantasme bien français

PornHub est l’un des plus gros sites de porno gratuit du marché. Un graphe dans The Economist a récemment démontré les fantasmes de chaque pays : les anglais et les américains sont plutôt penchés lesbiennes ; les canadiens, les allemands et les argentins plébiscitent les ados ; les italiens préfèrent des milfs (mothers I’d like to fuck, ou des femmes d’âge mûr) ; les russes veulent de la sodomie ; quant aux français, ils sont branchés porno beurette. En effet, la France est le seul pays de l’étude où la recherche la plus fréquente fait référence à une caractéristique ethnique…

Beur vs Beurette

C’est dans les années 80 que la Beurette, féminin de Beur, apparaît en France. Mais, actuellement, ces termes prennent d’autres significations : en tapant Beur sur Google, vous tomberez sur la radio BeurFM, l’article Wikipédia qui raconte l’histoire du terme, la marche des Beurs, le PS puis SOS Racisme ; mais en validant Beurette, vous tomberez immédiatement sur une liste de sites de cul. En 2007, la chroniqueuse Fatima Ait Bounoua l’avait déjà remarqué : « Autrement dit, la Beurette est devenue, de fait, une catégorie sexuelle. Elle est classée parmi les autres catégories : “gros seins”, “fétichiste”, “partouze”, etc. Etrange, non ? »

La Beurette voilée, pute et soumise

Dans ces sites de porno, c’est quasiment la même histoire de la fille arabe qui se libère des tabous et se révèle affamée de sexe. En effet, la Beurette est exotique, de plus, elle est souvent présentée comme novice qui surtout transgresse toujours un interdit religieux. Les sociologues Eric Fassin et Mathieu Trachman ont évoqué le sujet dans un article de 2013 : « La Beurette est vierge mais débauchée, à la fois “soumise” et “pute”, bref, … “prude salope”. ». Et selon Fatima Ait Bounoua : « Les Beurettes passent alors pour des femmes assoiffées de sexe qui, comme quelqu’un qui aurait été privé de nourriture depuis longtemps, se jetterait dessus dès que l’accès en serait permis. » (dès qu’elle peut se libérer de l’emprise des garçons arabes qui l’entourent.)

Un fantasme social avant d’être sexuel

Pour Eric Fassin et Mathieu Trachman, la Beurette voilée du porno révèle le fantasme social d’une femme arabe à la fois émancipée des hommes arabes et soumise au désir des hommes blancs. Pour Fatima Ait Bounoua, l’image de la Beurette en femme frustrée de sexe et censurée par une culture patriarcale qui l’oppresse : « ... la face cachée d’une représentation, caricaturale, de l’islam », où les femmes voilées sont nécessairement opprimées par leurs maris et les garçons arabes. Comme résument les chercheurs : « Elles sont “mi-putes” (avec nous) “mi-soumises” (avec eux) mais entièrement “ putes et soumises ” pour nous. ». Les fantasmes sexuels d’un pays peuvent en dire long sur ses rapports sociaux.

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